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Raymond Tournier

 

 

(Raconté par sa femme Colette MONTAUBAN)


(…) Depuis 1938 tous ces bruits de guerre inquiètent les parents MONTAUBAN. Ils ont 5 enfants à la maison dont 3 garçons de 18, 17, et 15 ans et envisagent de faire construire.  Le père bavarde souvent avec l’instituteur (M. BAINAUD) et aime se tenir au courant des évènements. Le 3 sept. 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne. Depuis, le 2 des voisins sont partis – l’aîné de la famille part s’engager. (…) Marcel fréquente l’école primaire supérieure de Chasseneuil, Lucien le 2ème enfant est entré à la Fonderie de Ruelle. Les 2 filles sont encore à l’école. Le père à pris un emploi de cantonnier car il possède très peu de terre (les allocations familiales n’existant pas), ils ont été obligés de prendre une petite maison pour permettre aux garçons d’aller à l’E.P.S.

(…) Né le 17 août 1924, Marcel ne fera pas le service militaire traditionnel, il sera mobilisé à la Fonderie de Ruelle. (…) Le père est frappé de stupeur devant la débâcle de nos troupes, lui qui a fait la guerre 1914-1918. Minutieux, il ramasse les fusils abandonnés dans les fossés par les soldats français mais n’en dit mot. Les garçons sont très inquiets et espèrent que les Allemands repartiront l’Armistice signé. (…) La nouvelle de l’Armistice est accueillie avec méfiance l’arrivée d’un militaire au gouvernement inquiète. De plus, les Allemands sont partout à Angoulême, à Ruelle, à La Rochefoucauld et s’installent !

(…) Ils avaient entendu parler de De GAULLE seulement au moment de son appel commenté dans le village. Il apporte de l’espoir, « si un jour nous pouvions le rejoindre ». (…) « Il reconnaît la force mécanique, terrestre aérienne de l’ennemi mais la défaite n’est pas définitive. Il faudra l’union de tous pour vaincre l’ennemi ». (…) La vie change peu à St. Projet. Au début le père cultive de grands jardins et élève de la volaille. Les difficultés apparaissent pour le pain, les vêtements, les chaussures malgré les tickets de rationnements. La circulation est réglementée, difficulté pour se déplacer, vers Ruelle, vers Angoulême… Pour aller à l’E.P.S., Marcel emprunte un car à gazogène qui tombe souvent en panne, il faut finir la route à pied !

La Ligne de Démarcation, limite de la zone occupée par les Allemands passe à La Rochefoucauld où se trouve un poste de surveillance, il faut se munir de Laissez-passer, même pour son travail. Les passages clandestins se multiplient, une animation particulière se fait dans la région. C’est un début de résistance, la plupart de ceux qui fuient la zone occupée, sont visés par les lois discriminatoires votées par l ‘Allemagne et le gouvernement PETAIN (communistes, juifs, franc-maçon) des liens d’amitiés se forment dans le but de chasser l’occupant. (…) Lorsque la loi concernant le S.T.O. fut mise en vigueur, Marcel ne fut pas touché par celle-ci. Après sa scolarité effectuée à Chasseneuil, il passe le concours d’entrée à l’Ecole de la Fonderie de Ruelle, reçu, il rejoint le 1er fév. 1940 l’Ecole des apprentis manuels. La Fonderie est occupée depuis juin 1940. Les Allemands emportent la plupart des outils et machines. Les apprentis doivent continuer leur formation à la Chambre des métiers d’Angoulême. Marcel est considéré comme mobilisé à la Fonderie (note du 5.03.40). Ayant suivit avec assiduité l’enseignement de l’Ecole, il est reconnu Œuvre Ajusteur et est nommé à l’Arsenal de Toulon au 01 septembre 42, il y reste jusqu’au 6 mars 43.


Il assiste le 27 décembre 42 au sabordage de la flotte française pour la soustraire de la convoitise allemande. C’est un choc pour les jeunes qui pensaient à la revanche. La vie est de plus en plus dure à Toulon : rien à manger (fenouil). Les Allemands sont de plus en plus sévères, menaçants, trop inquiets par le débarquement en Afrique du Nord. Marcel rejoint les siens à St. Projet (Charente) et ne repartira pas. (…) A St. Projet, il retrouve ses parents mais aussi son frère Georges engagé pour la guerre, maintenu dans l’armée d’Armistice qui vient d’être démobilisée. Les contraintes des Allemands sont de plus en plus fortes : réquisitions, fusillades, prises d’otages. Le père a des amis qui ont commencé la lutte. Marcel et Georges vont alors être contactés et aideront le groupe VANDEPUTT-BLANC (qui seront fusillés), BERTHON, GIN… Georges est très utile, il connaît le maniement des armes. Ils participeront aux même opérations se protégeant l’un et l’autre. Ce sera les « Frères MONTAUBAN » !

(…) Pour aider précieusement leurs parents, Georges et Marcel vont travailler à la carbonisation en forêt de Braconne et fabrique le charbon de bois pour les camions à gazogène. Marcel retrouve des réfractaires au S.T.O., des anti-allemands, on parle beaucoup de résistance. Lui et son frère ont déjà des contacts et leurs amis ont des rapports avec des groupes de Ruelle, Taponnat, Angoulême. Un des responsables F.T.P., André GAILLARD, leur signale le passage d’un train chargé de denrées, de matériel à destination de l’Allemagne en gare d’Angoulême. Ils décident de provoquer un déraillement. Le 29 octobre, vers 1H du matin, le lieu est choisi, visité entre Vars et St. Amant de Boixe. Les frères MONTAUBAN récupèrent du matériel à la gare de La Rochefoucauld. Le 28 au soir c’est le départ pour Vars à vélo accompagné d’Albert GIN. Il faut traverser au clair de lune la forêt (les MONTAUBAN connaissent bien), le matériel est lourd, la route est longue.

Le travail sera dur. Des requis surgissent, les Francs-Tireurs ne se laissent pas impressionner et les obligent à leur aider sous la garde de Marcel qui a sorti son pistolet (seule arme qu’il possède). Tout s’achève quelques minutes avant le passage du train, les requis sont libérés, les 3 gars sautent sur leurs vélos. Il faut retraverser la nationale, la forêt, des ennuis mécaniques les obligent à terminer à pied. Leur joie sera grande, le lendemain quand ils apprendront que l’événement a fortement impressionné les journalistes et n’a causé la mort d’aucun des employés du train. (…) Puis ce sera l’attaque du poste frontière allemand : la baraque brûle comme une torche, (bombe artisanale), les soldats se sauvent, une magnifique explosion illumine le ciel, la baraque contenait un stock de munitions.

Les Allemands deviennent de plus en plus méchants, menaçant la ville. Les terroristes (BERTHON, GIN, les MONTAUBAN et le CORSE) comprennent le danger et ne voulant pas exposer la population, décident de changer de secteur. Les MONTAUBAN feigneront une dispute avec leurs parents et partiront vers les bois de Chasseneuil, dormant dans la grange de parents. Puis, seront hébergés dans une ferme appartenant aux PASCAUD. Visités par Guy PASCAUD (Marcel fut son élève à l’E.P.S.) ils lui racontent leur sabotage. Le risque est grand de les garder là, il comprend et va les aider. PASCAUD s’entretien avec CHABANNE qui exige le secret du « gourbi » de Cherves. D’un commun accord, ils décident d’emmener les résistants au maquis de Fougères où se trouvent 2 hommes.

Mme NEBOUT, enseignante vient se joindre à eux et aide CHABANNE et PASCAUD à leur fournir du ravitaillement, des armes et les protéger. Le 11 nov. 1943, geste symbolique, ils iront poser une gerbe au monument aux morts de Chasseneuil, alors que les Allemands ont interdit toutes manifestations. A l’issue d’une sortie ravitaillement (denrées, tabac…), les maquisards rencontrent les gendarmes de Chasseneuil : Mousquetons et cartouches changent rapidement de mains. (…) Décembre, arrive le mauvais temps qui rend la situation intenable dans le trou, souvent inondé. Le trio responsable trouve refuge dans un vieux château, placé sur un tertre, c’est le Chatelars. Les maquisards sont au sec et s’installent. Une garde s’organise, ils entament donc 1944 dans une relative sécurité. Mais le danger mortel est constant.

En janvier 44, le groupe atteint la trentaine. Arrive alors le colonel BONNIER (D.M.R.) qui enregistre le maquis sous le nom de Bir’Hacheim. Il promet de l’aide et surtout des armes… Le 5 février une sortie est organisée (11 maquisards, dont Georges et Marcel). Tombés dans une embuscade allemande à St. Mary, il y a un mort, Maxence SIMON sur lequel les Allemands s’acharneront. Il est le premier tué du maquis Bir’Hacheim. Les 2 blessés sont ramenés avec peine au château. Il faut retrouver la Bonnieure (rivière) et faire suivre le matériel. A la suite de ce combat, les Allemands et les Miliciens redoublent d’ardeur pour découvrir le refuge Bir’Hacheim.

Le 22 mars, ils envahissent Chasseneuil, ne retrouveront aucun maquisards, mais arrêteront 127 personnes dont G. PASCAUD qui sera déporté. Le groupe se disperse. Les MONTAUBAN seront hébergés au Gazon puis aux Jaulières. De nombreux réfractaires au S.T.O. viennent les rejoindre. Marcel et Georges feront parti des corps francs dont le chef est le capitaine Marc venu du maquis de Pressignac, tenu par le Colonel BERNARD. Les actions reprennent, sabotages, attaques de convois ennemis, surveillance des voies ferrées Paris Bordeaux et Angoulême Limoges. La nationale 10 est l’objet de nombreuses visites.

Diverses sorties sont organisées pour la surveillance et le harcèlement des garnisons allemandes : La Péruse, Oradour/Vayres, La Braconne, Ruffec, Condac : le 24. Août 44, un convoi d’Allemands et d’Hindous stationne sur la voie ferrée de Ruffec. La 1ère Cie et le corps francs vont les attaquer en partant de Condac. Ce sera un terrible combat. Le corps francs se cramponne au Pont de Condac, les Allemands et les Hindous les poursuivent. Marcel et Georges traversent la Charente à la nage emportant avec eux les armes qu’ils pourront. 9 maquisards manqueront. Cette pénible journée a montré une certaine limite en fonction du matériel possédé.

Cependant les embuscades la surveillance de la N10 continuent. Les convois en partance d’Angoulême sont souvent attaqués. La libération d’Angoulême se prépare. (…) Le maquis Bir’Hacheim auquel Marcel appartenait depuis le 23 octobre 43, fait alors parti des F.F.I. à la libération d’Angoulême et devient le 1er Régiment de B’H, poursuivant sa route jusqu’à la mer (Matha, Surgères, La Rochelle). Marcel qui appartient toujours au corps franc, continu à servir dans sa formation, comme adjudant chef.

Le 15 octobre 44, il souscrit un engagement volontaire pour la durée de la guerre à la 104è Cie de Transport, où il est chargé de récupérer tout le matériel ayant appartenu aux autorités allemandes ou abandonné par les F.F.I. Après la poche de La Rochelle, il est affecté à Saintes où il passe son permis militaire Tourisme, Poids Lourd, Moto et réside sur la commune. Sur l’initiative du Colonel ROGEZ, il rejoint le 30è Bataillon de Chasseurs à Pied le 15 fév. 45, homologué sergent chef, il part avec son régiment vers l’Alsace et l’Allemagne. Au mois de mai, il est envoyé en formation à l’Ecole militaire de Paris. Il effectue de nombreux déplacement dans la capitale… Puis, part en garnison à Metz, se fait des amis et apprécie la vallée de la Moselle.

Envoyé en Allemagne, il est démobilisé le 18 janvier 46. On lui propose de rester dans le corps militaire, mais refuse. Sa place est à la Fonderie de Ruelle. De retour Marcel se présente à Ruelle aux Bureaux de la Marine en janvier 1946. Mais ne peut reprendre ses fonctions de suite, car il a été porté déserteur à la suite de l’abandon de son poste à Toulon. Il faudra l’intervention des députés de Charente pour qu’il puisse retrouver sont travail.


Marcel décède le 4 janvier 1993.